Passé le pont, les fantômes vinrent à ma rencontre. C’est ce que nous avons fait cette année : nous avons passé le pont, et nous sommes tous encore ici, mais les fantômes, il s’en trouve toujours, ne sont pas hostiles. Il n’y a que les hommes de pouvoir et les hommes d’Église, les hommes habilités à jeter des ponts, pour penser que les fantômes sont des ennemis. Pour nous qui franchissons ces ponts, et ce faisant décidons de laisser venir les âmes errantes à notre rencontre, ce sont des présences apaisantes, ils sont notre devenir. Ils sont ailleurs, nous sommes ici, demain ce sera l’inverse, quelle importance ? Chaque jour des arbres tombent et des ponts sont coupés. Restent lumière, vent, pierres, sable et odeurs d’ici, lumière, vent, pierres, sable et odeurs d’ailleurs, restent nos vies inquiètes et nos élans joyeux. Nous vivons dans des ruines et avec des fantômes, des matières mortes, des matériaux vivants, des événements violents dont nous ne savons plus s’ils ont eu lieu ou non, et, restons pascaliens : nous ne sommes pas au présent ; mais si le présent est un lieu, où sommes-nous alors puisqu’il nous est impossible d’être partout comme d’être nulle part ? Nous sommes là où notre présence fait advenir le monde, nous sommes pleins d’allant et de simples projets, nous sommes vivants, nous campons sur les rives et parlons aux fantômes, et quelque chose dans l’air, les histoires qu’on raconte, nous rend tout à la fois modestes et invincibles. Car notre besoin d’installer quelque part sur la terre ce que l’on a rêvé ne connaît pas de fin.
Mathieu Riboulet, Nous campons sur les rives, Lagrasse, 7-11 août 2017, éditions Verdier, 2018, pp. 35-37.
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Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu'arbres défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est avenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
L'espérance de lendemain
Ce sont mes fêtes
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Ne chantez pas la Mort, c´est un sujet morbide
Le mot seul jette un froid, aussitôt qu´il est dit
Les gens du show-business vous prédiront le bide
C´est un sujet tabou pour poète maudit
La Mort... La Mort...
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles
Il semble que la Mort est la sœur de l´amour
La Mort qui nous attend et l´amour qu´on appelle
Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours
La Mort... La Mort...
La mienne n´aura pas, comme dans le Larousse
Un squelette, un linceul; dans la main, une faux
Mais fille de vingt ans à chevelure rousse
En voile de mariée, elle aura ce qu´il faut
La Mort... La Mort...
De grands yeux d´océan, une voix d´ingénue
Un sourire d´enfant sur des lèvres carmin
Douce, elle apaisera sur sa poitrine nue
Mes paupières brûlées, ma gueule en parchemin
La Mort... La Mort...
Requiem de Mozart et non Danse Macabre
Pauvre valse musette au musée de Saint-Saëns
La Mort c´est la beauté, c´est l´éclair vif du sabre
C´est le doux penthotal, de l´esprit et des sens
La Mort... La Mort...
Et n´allez pas confondre et l´effet et la cause
La Mort est délivrance, elle sait que le Temps
Quotidiennement nous vole quelque chose
La poignée de cheveux et l´ivoire des dents
La Mort... La Mort...
Elle est euthanasie, la suprême infirmière
Elle survient à temps, pour arrêter ce jeu
Près du soldat blessé dans la boue des rizières
Chez le vieillard glacé dans la chambre sans feu
La Mort... La Mort...
Le Temps c´est le tic-tac monstrueux de la montre
La Mort, c´est l´infini dans son éternité
Mais qu´advient-il de ceux qui vont à sa rencontre?
Comme on gagne sa vie, nous faut-il mériter
La Mort... La Mort...
La Mort?
Paroles Jean-Roger Caussimon, Musique Léo Ferré
Pierre Bergounioux, Le corps de la lettre
; Fata Morgana. Et Lundi
; Galilée.
Conférence au collège de France, le 22 mars 2018 (tiens ?)
]]>Dans les papiers qui traînent Blancs comme des migraines Blancs comme des mal blancs Près des chantiers dormants Gavons nous de beignets De frites et de poulets Le chemin est si beau Du berceau au tombeau Nous irons voir flamber La ville tuméfiée La vie est une foire J'ai mis ma robe en moire Mon frère est un raté Car il est décédé Allons nous dévorer Dans les hôtels meublés Nous aurons des mégots Au fond du lavabo A l'aube les blessés Cesseront de tousser Nous aurons un bébé Nous l'entendrons pleurer Comme de l'eau qui bout
Les enfants sont tous fous
Allons nous promener Quel bonheur d'être né Le chemin est si beau Du berceau au tombeau J'ai perdu mes lunettes Ça va être la fête Les soldats sont partis Couverts de confettis Le temps est un bateau La terre est un gâteau
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C’est la guerre, une guerre qui se déroule sur tous les fronts et qui s’intensifie depuis qu’elle est désormais menée contre tout ce dont il paraissait impossible d’extraire de la valeur. S’ensuit un nouvel enlaidissement du monde. Car, avant même le rêve ou la passion, le premier ennemi aura été la beauté vive, celle dont chacun a connu les pouvoirs d’éblouissement et qui, pas plus que l’éclair, ne se laisse assujettir. Y aura considérablement aidé la collusion de la finance et d’un certain art contemporain, à l’origine d’une entreprise de neutralisation visant à installer une domination sans réplique. Et comme, dans le même temps, la marchandisation de tout recours à une esthétisation généralisée pour camoufler le fonctionnement catastrophique d’un monde allant à sa perte, il est évident que beauté et laideur constituent un enjeu politique. Jusqu’à quand consentirons-nous à ne pas voir combien la violence de l’argent travaille à liquider notre nuit sensible, pour nous faire oublier l’essentiel, la quête éperdue de ce qui n’a pas de prix ?(4è de couverture" Annie Le Brun (wikipédia). ]]>
Le film chez Greenpeace !
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