PLOUTOCRATIE, subst. fém.


PLOUTOCRATIE, subst. fém.
POLITIQUE
A. >1. Système politique ou ordre social dans lequel la puissance financière et économique est prépondérante. Ayant jeté (...) les yeux sur la France, il vit que, sous le nom de république, ce pays était constitué en ploutocratie, et que (...) la haute finance y exerçait un pouvoir souverain (A. FRANCE, Révolte anges, 1914, p.182). Identifiée au libéralisme, elle [la démocratie] glisse vers la ploutocratie (VEDEL, Dr. constit., 1949, p.250):

J'appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses (...), où la capacité et la moralité s'évaluent généralement (...) par la fortune, de telle sorte, par exemple, que le meilleur critérium pour prendre l'élite de la nation soit le cens.
RENAN, Avenir sc., 1890, p.415.

2. Politique économique reposant sur la puissance financière. La démocratie a été le milieu par excellence de la ploutocratie libérale et du capitalisme financier (L'OEuvre, 13 févr. 1941).
B. >P. méton., souvent péj. Ensemble des personnes qui détiennent le pouvoir du fait de leur richesse. La petite ploutocratie est peureuse; néanmoins ses sentiments sont démocratiques. (...) La grande ploutocratie est féroce et implacable (POULOT, Sublime, 1872, p.126). Ils dénaturaient la noblesse [les négociants enrichis] (...); ils transformaient peu à peu l'antique aristocratie en une ploutocratie (G. GLOTZ, Hist. gr., t.1, 1925, p.235).
REM. Ploutocratisé, -ée, adj., hapax, péj. [Corresp. à supra B] Qui est admis parmi ceux qui composent la ploutocratie et en prend les défauts. Un prolétariat en partie ploutocratisé et acceptant la place plus ou moins dorée que lui consent une bourgeoisie américanisante (É. BERTH, Du Capital aux Réflexions sur la violence, 1934, ds MARITAIN, Human. intégr., 1936, p.253).
Prononc. et Orth.:. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1582 ploutocratie (J. DOUBLET, Mémoires de Xenophon, livre 4, p.99); 2. 1831 plutocratie (R. britannique, févr., Nouv. série, t.4, p.187); 1842 ploutocratie (LEROUX, De la ploutocratie ou du gvt des riches ds R. indépendante, t.5, oct.-déc., p.74). 1 empr. au gr. «gouvernement ou domination des riches» comp. de «richesse» et de «force, domination, puissance» (cf. aristocratie, démocratie); 2 empr. à l'angl. plutocracy, lui-même empr. au gr. Le mot est att. en angl. au sens de «gouvernement ou domination des riches» en 1652 et au sens de «couche sociale détenant le pouvoir du fait de ses richesses» en 1832 (NED). La forme plu- reproduit l'orth. angl., la forme plou- suit la prononc. angl. Fréq. abs. littér.: 21.
DÉR. Ploutocratique, adj. a) Pol., hist. Relatif à la ploutocratie en tant que système politique; propre aux ploutocrates. Société ploutocratique. Les peuples qui appelaient bruyamment la démocratie et la liberté, >Chinois, Hindous, Égyptiens, >transformaient en impératifs et en dictatures les conseils du bon Sun Yat Sen, du tendre Gandhi, de l'honnête Zagloul. Quant aux États-Unis américains, on découvrait en eux, avec consternation, le paradis de la tyrannie ploutocratique (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p.111). Il était entièrement faux que les démocraties ploutocratiques, soumises à toutes les influences du capitalisme judaïsant (...) eussent un droit quelconque à représenter les valeurs humaines de la civilisation occidentale (L'OEuvre, 3 déc. 1944). b) P. ext. Qui repose sur le pouvoir de l'argent. Si Shelley consentait à prolonger le majorat, il aurait l'usufruit de la fortune tout entière; dans le cas contraire, il hériterait seulement (après la mort de son père) des quatre-vingt mille livres sterling qu'on ne pouvait lui enlever. Shelley revint à Londres en méditant ces étranges nouvelles et alla les discuter avec son avoué. Il n'estimait pas pouvoir coopérer à la prolongation du majorat puisqu'il désapprouvait toute cette législation ploutocratique (MAUROIS, Ariel, 1923, p.192). [En parlant d'une pers.] Qui est mû, animé par le désir de la richesse. L'homme ploutocratique (...) en qui la peur de dépenser tient lieu de sagesse (ALAIN, Propos, 1922, p.385). > 1re attest. 1874 (VALLÈS, Le Dernier Lord Maire, nov., p.366 ds QUEM. DDL t.5); de ploutocratie, suff. -ique*.
BBG. >DUB. Pol. 1962, pp.377-378. > QUEM. DDL t.5 (s.v. ploutocratique), 6. > TOURNIER (M.). Un Vocab. ouvrier en 1848. Thèse, Paris, 1975, t.1, p.427.

NÉPOTISME, subst. masc.


NÉPOTISME, subst. masc.
A. >HIST. RELIG. Favoritisme de certains papes envers leurs neveux, les membres de leur famille, dans l'administration des affaires. Le népotisme et le scandale des pontifes ne sont plus possibles, comme les rois ne peuvent plus avoir de maîtresses en titre et en honneurs (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.435). Jamais Souverain Pontife n'avait moins cédé au népotisme, à ce point que ses trois neveux et ses deux nièces restaient pauvres (ZOLA, Rome, 1896, p.180).
B. >P. ext. Tendance à accorder des avantages aux membres de sa famille, à ses amis ou à ses relations indépendamment de leur valeur. Synon. favoritisme. On a écrit qu'en choisissant son neveu pour secrétaire, puis pour successeur, Lord Salisbury n'avait pas fait acte de népotisme. Mr. Balfour eût été en effet un homme remarquable même s'il n'était né dans le clan des Cecil (MAUROIS, Edouard VII, 1933, p.112). La vénalité, la cooptation, le népotisme viciaient l'administration, déjà faible en soi puisqu'elle était abandonnée en grande partie à l'aristocratie (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p.98):

Qu'ils [les ministres] aient placé quelques amis, quelques créatures, des électeurs influents, je le veux bien; le reste est de la calomnie pure. On a fait, il y a quelques années, du népotisme en grand; aujourd'hui on ne l'oserait plus.
REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.387.

REM. Népotiquement, adv., hapax. Je pourrais prendre les autres stalles du chapitre et les montrer presque toutes se transmettant népotiquement (BARRÈS, Mystère, 1923, p.228).
Prononc. et Orth.:Ac. 1694 et 1718: ne-; dep. 1740: né-. Étymol. et Hist. 1. 1653 «faveurs excessives accordées par certains papes ou hauts dignitaires de l'Église à leurs neveux ou proches parents» (GUEZ DE BALZAC, Lettre à Conrart, 28 avril ds LITTRÉ); 2. 1800 p.ext. «avantages excessifs accordés par un homme en place à des parents, à des amis ou à des relations» (Deux volontaires de 1791. Les frères Favier de Montluçon, germinal an VIII, éd. Duchet, p.139 ds BRUNOT t.9, p.1056, note 4). Empr. à l'ital. nepotismo (1672, LETI, au sens 1 d'apr. DEI), dér. de nepote «neveu» (v. ce mot). Bbg. BOULAN 1934, p.40. >HOPE 1971, pp.294-295.

Le Trésor de la Langue Française