Le "ciblage automatisé" des voyageurs entre en vigueur aux Etats-Unis 2006-12-04 08:54:15
WASHINGTON (AFP)

Plusieurs associations de défense des libertés ont dénoncé un système de "ciblage automatisé" qui doit entrer en vigueur lundi au Etats-Unis pour évaluer le risque terroriste posé par chaque voyageur ou marchandise.

"Jamais dans l'histoire américaine notre gouvernement ne s'était engagé dans une entreprise massive visant à attribuer des scores d'+évaluation de risque+ à ses propres citoyens", a estimé dans un communiqué Barry Steinhardt, chargé des questions de technologie à la plus puissante de ces associations, l'ACLU.

Le ministère de la Sécurité intérieure a publié discrètement début novembre une notice expliquant les grandes lignes du programme, qui vient officiellement remplacer un système géré jusqu'à présent par le ministère du Trésor.

Baptisé "Automated Tracking System" (système de ciblage automatisé), le programme centralisera un grand nombre de données, soumettra chaque voyageur, Américain ou non, à une "évaluation de risque" terroriste, et stockera toutes ces informations pendant 40 ans.

"Ce n'est pas un nouveau système", mais un intranet qui vise à "améliorer la collecte, l'utilisation et l'analyse des renseignements qui peuvent nous aider à cibler et identifier des terroristes potentiels ou des armes terroristes", a assuré jeudi Jarrod Agen, porte-parole du ministère.

Mais l'ancien système ne concernait que les marchandises et le nouveau rappelle le programme "Total Information Awareness", qui fouillait dans les bases de données des compagnies aériennes, financières et de santé, et auquel le Pentagone avait dû renoncer en 2003 sous la pression médiatique.

A partir de lundi, le "ciblage automatisé" disposera d'un large éventail d'informations puisqu'il puisera dans les données des services du Commerce, du Trésor et des compagnies aériennes, "mais pas uniquement", annonce la notice.

Les seuls éléments transmis par les compagnies aériennes vont de l'adresse postale et électronique au type de bagages du passager, du numéro de sa carte de crédit au type de repas qu'il a demandé pendant le vol.

En plus du flou entretenu sur les données relevées, le ministère n'autorisera pas les dizaines de millions de personnes concernées à consulter le résultat de leur évaluation.

Ces éléments seront en revanche accessibles, toujours pendant 40 ans, à une liste imprécise d'autorités fédérales, locales ou étrangères, ou même, dans des conditions floues, à des "des experts, des consultants, des étudiants"...

"Quand un ordinateur gouvernemental inconnu, utilisant des sources d'information inconnues, vous aura qualifié de +risque pour la sécurité+ et aura commencé à faire circuler ce label au sein du gouvernement, vous n'aurez aucun moyen réel de découvrir pourquoi on vous a attribué ce label, et encore moins de contester sa validité", a estimé Tim Sparapani, conseiller de l'ACLU.

"Le gouvernement s'apprête à attribuer à des millions de citoyens honnêtes des scores d'+évaluation de risque+ qui vont les suivre toute leur vie", a expliqué dans un communiqué David Sobel, avocat d'une autre association, Electronic Frontier Foundation (EFF).

Ces scores peuvent pourtant interdire à quelqu'un de pénétrer aux Etats-Unis ou d'obtenir un emploi dans un secteur sensible, précise EFF.

Les deux associations ont écrit au ministère pour exiger que ce programme "sans précédent" ne soit pas appliqué sans un débat approfondi sur ses modalités et ses implications.
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