Quand quelqu’un dit : ‘Vous, les Bushmen, vous n’avez pas de gouvernement’, nous répondons qu’il y a longtemps nos aînés avaient un gouvernement et que c’était le charbon incandescent extrait du foyer autour duquel nous nous tenions avant, et que nous emportions pour allumer le feu au nouveau site où nous nous rendions. Aussi je dis ‘ne nous prenez pas pour des arriérés, nous voulons aller de l’avant, nous avons notre propre parole'.

Di//cao, ¹Oma, femme bushman de Nyae Nyae, Namibie

Beaucoup de gens aujourd’hui s’imaginent que les “Bushmen” sont des chasseurs de l’âge de pierre errant en liberté dans leur monde sauvage. Cette idée est très loin de la réalité contemporaine. Peu de Bushmen vivent encore de la chasse et de la cueillette même si beaucoup les pratiquent comme appoint alimentaire; la majorité d’entre eux sont gardiens de troupeaux pour un salaire minime, voire inexistant, ouvriers agricoles migrants,domestiques ou sédentarisés dans des hameaux du gouvernement.

La plupart de ceux qu’on appelle Bushmen vivent dispersés dans le désert du Kalahari, au sud de l’Afrique, une région de plus de 500 000 km2, environ la superficie du Kenya ou de la France. Leurs ancêtres ont cependant occupé la presque totalité du sud de l’Afrique et probablement une partie de l’est africain. Hors du Kalahari, quelques groupes bushmen survivent au sud de l’Angola, dans les marais d’Okavango au nord du Botswana ainsi qu’à l’est et à l’ouest de ce pays. Selon les dernières estimations ils seraient environ 90 500 : 8000 en Angola, 45 000 au Botswana, 33000 en Namibie, 2 500 en République d’Afrique du Sud, 1 500 en Zambie et 500 au Zimbabwe.

Les Bushmen sont constitués de plusieurs groupes, parlant des langues différentes presque toutes dites « à clics » c’est-à-dire utilisant, outre les articulations phonétiques propres à chaque langage humain, des sons particuliers, différenciateurs, faits avec la langue et représentés dans l’écriture par des signes comme ‘!’ ou’/’.

Les Bushmen n’ont pas d’auto-dénomination globale, les autres peuples leur donnent des noms divers, par exemple San en Namibie et Basarwa au Botswana, mais ce ne sont que des termes de mépris. Certains d’entre eux acceptent à présent le nom de « Bushmen » considérant qu’il signifie « le peuple de la terre ».

Nous savons beaucoup de choses sur la vie traditionnelle des Bushmen parce qu’ils ont été largement étudiés naguère comme les derniers représentants des chasseurs-cueilleurs originels de la planète. Les chercheurs d’alors pensaient qu’ils avaient vécu dans un isolement complet et cette croyance s’est répandue dans le grand public. En réalité, depuis des siècles ils étaient en contact et échangeaient avec d’autres peuples. Aujourd’hui la science nous apprend qu’il n’existe pas, sur la terre, de peuples représentant un état primitif de l’humanité qui seraient restés figés dans le même état social depuis la nuit des temps. Tous ont bougé et se sont adaptés, notamment aux ressources de leur environnement.

Les Bushmen étaient, en général, des chasseurs cueilleurs ou des « fourrageurs ». Les femmes étaient très expertes dans la cueillette des fruits sauvages, des noix et des racines qui fournissaient la plus grande partie de la nourriture quotidienne. La viande, produit de la chasse masculine, principalement celle des différentes variétés d’antilope, était considérée comme un régal très valorisé. Certains chercheurs ont suggéré que les Bushmen étaient un exemple d’une « société d’abondance » c’est-à-dire que pour satisfaire leurs besoins fondamentaux il leur suffisait de travailler très peu chaque jour. Ceci pouvait être vrai en certains lieux et à certaines époques mais, à d’autres moments, leur vie pouvait être très difficile car leur milieu désertique était surtout imprévisible. Ils vivaient pour la plupart en bandes nomades de 25 à 35 personnes constituant plusieurs familles. Ils avaient leur propre système de tenure du sol : chaque bande ayant un territoire bien défini pouvant mesurer jusqu’à 1000 km2. Pendant une partie de l’année la bande au complet campait près d’un point d’eau puis, à la saison humide, elle se dispersait sur le territoire. Il n’existait pas de hiérarchie politique ou de chefferie, les décisions étaient prises par consensus dans le groupe, hommes et femmes ensemble.

Tous les Bushmen ne vivaient pas exclusivement de la chasse et de la cueillette. Dès le début du XIXe siècle, les Bushmen étaient responsables de l’un des réseaux d’échanges précoloniaux le plus étendu à travers tout le Kalahari. A Tsumeb, dans ce qui est aujourd’hui la Namibie, ils contrôlaient l’un des gisements de cuivre le plus riche d’Afrique.

De tous les peuples de l’Afrique australe, les Bushmen ont été les plus brutalisés, les plus grandes victimes d’une histoire sanglante. On les a chassés comme des animaux. Au XVIIIe siècle, par exemple, les colons enrôlaient des commandos bushmen spécialement dressés à chasser leurs congénères. Beaucoup de ceux-ci furent tués, les femmes et les enfants furent enlevés pour travailler chez les fermiers blancs. Leurs descendants se trouvent aujourd’hui parmi les gens dits « de couleur ».

En Angola, les Portugais ont utilisé les Bushmen pour lutter contre les mouvements indépendantistes. A la chute de l’empire colonial portugais, ces soldats s’enfuirent en Namibie où ils furent incorporés dans l’armée sud-africaine avec tant de succès que les Sud-Africains commencèrent à recruter des Bushmen sans terre ou chômeurs. Depuis l’indépendance de la Namibie en 1990, 4000 d’entre eux furent déplacés en Afrique du Sud. En 1993, la force de défense sud-africaine a transmis à un ‘trust’ largement contrôlé par les Bushmen eux-mêmes, la responsabilité de ces personnes déplacées.

Jusque dans les années 1950 plusieurs groupes bushmen de Namibie et du Botswana vivaient de la chasse et de la cueillette. Mais les dernières terres dont ils avaient besoin pour la chasse leur ont depuis été enlevées pour y établir des fermes ou des réserves naturelles. Au Botswana des hameaux ont été édifiés pour eux par le gouvernement; malgré la présence d’équipements tels que dispensaires et écoles, la vie y est généralement très morose.

La plupart des Bushmen sont actuellement sans terre et appauvris. Quelques-uns ont cependant trouvé de nouveaux modes de vie, tels que la culture ou l’élevage de quelques têtes de bétail et de chèvres sur les terres qui leur restent, tout en conservant la chasse, s’ils le peuvent. Des fermiers bushmen de Namibie se sont unis pour créer la coopérative des fermiers Nyae Nyae (NNFC) qui a le soutien de la fondation pour le développement des Bushmen Ju/Hoansi de Namibie.

Dans le passé, la grande flexibilité de leur société a permis aux Bushmen d’échapper à la conquête et à la mise sous contrôle. Mais par là même, ils avaient beaucoup de difficultés à s’organiser et donc à faire pression sur les autres et à revendiquer leurs droits. Ils commencent à le faire à présent à travers des organisations comme la NNFC ou « les Premiers habitants du Kalahari » au Botswana. Les deux premières conférences régionales sur le « Développement des San d’Afrique » en 1992 et 1993, où des délégations bushmen de Namibie et du Botswana ont présenté leurs revendications, sont des signes d’espoir.

Cependant, depuis lors, la situation des Bushmen n’a pas cessé d’empirer. Ainsi, le gouvernement botswanais cherche, depuis les années 1980 à expulser par tous les moyens les 1500 Bushmen de la Réserve centrale du Kalahari, pour l’ouvrir au tourisme et aux mines de diamants. En 1996, la pression avait considérablement augmenté et en 1998, près du tiers de la population a été forcée de quitter la Réserve pour s’installer dans un nouveau hameau.Cependant une forte résistance est opposée par l’organisation ‘Premiers peuples du Kalahari’ qui espère recouvrer leurs droits sur leur terre ancestrale.

Source du billet (pdf): chez survival-international.org, association qui aide les peuples indigènes à défendre leurs vies, protéger leurs terres, et déterminer leur propre avenir.

Sexualité des Bushmen, Université de Humboldt, Berlin.

Un article du musée IZIKO, de la ville du Cape, Afrique du Sud.

La langue des Bushmen, sur le site ethnologue.com, qui répertorie 6912 langues connues.

L'art des bushmen

Quand la négociation des libertés des uns et des autres se fait au détriment des espèces, ou de l'Homme, il ne peut être question de développement, mais seulement de gestion des ressources. C'est aussi le fruit de notre monde.

La protection des éléphants passe par l'interdiction de chasse des bushmen ! Voir le site de la CITES.