mon cousin s'appelle Germain,

Il est pas du coin, il vient de loin, du tour, c'est la périphérie. Dans la ville il est un peu perdu, y'a du monde. Des mondains. De ceusses qui mettent des formes à traverser la rue, sans regarder, question de priorité. De toutes façons, il fonce, l'est pressé. Là dans l'air du temps, il pleut. Le tonnerre gronde, les éclairs étincellent, et tout à coup, il fait froid. Mon cousin n'aime pas la ville, il y perd tout ses repères. Il aime bien quand même la branchitude, il a moins froid, il peut promener sa nouvelle auto, il est beau. Il n'a rien lu, sinon que c'est bien. Et puis, les idées préconstruites, il les a toutes faites, alors rien à voir, circulez.

Il gagne du temps le zincou, il est là pour ça. Dans la métropole, là où qu'est le tram! Et sa ligne 4, ça te fiche une pagaille le soir à la sortie du boulot, z'allume le chauffage. C'est bon. Kyoto, c'est aussi au bord de la mer, enfin pas loin, parce que c'est vrai sur la carte, tu te fais niquer, t'as l'impression que c'est sur la côte, mais en fait non, ce que tu prends sur le nez c'est du vent d'ouest et les grains du noroît, c'est loin l'Amérique ?

Il nage, il achète, mais pas dans les boutiques du coin, elles sont aussi à la périphérie, mais c'est pas du luxe, alors mieux vaut faire ses emplettes à paname. C'est à deux heures, et quelques minutes. D'ailleurs, certains y vont le matin et en reviennent le soir, c'est une option intégrale, le prix d'un petit loyer pour une studette, achetée par le frère de mon cousin et relouée, pour couvrir les charges. Il a tout un tas de plans le zincou. Mais le plan bath, c'est la déloc. T'es dans une grosse boîte, et puis la pas encore métropole a du souci côté labeur, les bateaux on les fait ailleurs. De plus, c'est des super-giga (non ça existait pas encore) tankers de la mort qui transportent des tonnes, en pagaille, de pétrole. Dès 1978, l'Amoco, et après le Torrey, les bateaux étaient déjà d'ailleurs, par contre c'est jamais devenu plus noir. Et puis la télé s'emmêle. Alors les grosses boîtes, elles investissent, et viennent dans la ville aux ponts participer à l'excellence, et tout le monde tend vers le rayonnement. Et ça rayonne grave. Enfin on a évité le pire avec le Pellerin et ensuite le Carnet, fallait bien ça pour un pôle pareil, pas même métro, sans un aéroport digne de son A380. Mais celui-ci est dans les tuyaux, qu'on fait beaux.

Depuis qu'il est là, c'est à dire bien avant que je n'aie pu revenir, et dû repartir, mon cousin, et les siens ont tout acheté très cher. Normal avec une grosse boîte, t'as les moyens, alors tout augmente. Et de la maison d'ouvrier au million, pas de pb. Y'en a même des usines qui trouvent que c'est tellement cher de se loger, que leurs ouvriers ils ont même pas le salaire qui convienne, et qui font des bornes, le matin pour aller bosser. Remarquez, c'est une usine de voiture... Ceci explique peut-être cela. Mais plus sérieusement, l'usine investit dans des programmes de logement sociaux, auxquels les salaires offerts permettront de faire face au loyer, moins les kilomètres, y s'ra quand même plus frais l'ouvrier pour commencer sa journée par son 1/4 d'heure de taï-chi. Les corons, ou michelinville, la renaissance du capitalisme paternel à visage humain, cool.

Ici c'est ouvert, et les gens rentrent, le tout c'est qu'il s'y fasse, comme tant de ceux qui les ont précédé, de partout et d'ailleurs, et qu'ils ne puissent pas penser que c'est tout naturel de trouver sa place, de parking, à Nantes.