Presse, magazines, édition...

La mobilisation nationale ça presse !

Le salon du prêt à penser

Dynastie...ce n'est pas le feuilleton de l'été, mais la description des empires de presse en France. Serge Dassault, fils de Marcel, possède le Figaro et ses dépendances, et 70 titres divers de la presse régionale.

Arnaud Lagardère, fils de Jean-Luc, règne sur presque toutes les maisons d'éditions (avec le baron Seillière de Wendel), sur presque toute la presse magazine, sans compter Virgin, Europe 1, et quelques quotidiens, comme La Provence, Nice-Matin... Le même Lagardère contrôle la distribution des livres et les journaux dans le pays.

Le reste ? Quelques grandes fortunes se le partagent : Bernard Arnault (Louis Vuitton, Moët Hennessy, La Tribune, Investir), François Pinault (Pinault Printemps Redoute, Le Point, Historia, La Recherche), Philippe Amaury (Le Parisien, Aujourd'hui en France, L'Equipe et le Tour de France). Bouygues Martin, fils de Francis, l'empereur du béton, a investi dans le gratuit Metro, lui qui détient la moitié de la télé du pays avec TF1 et LCI. Au palmarès des grandes fortunes de France, vous trouverez ces mêmes noms. En Bourse, dans le sinistre CAC 40, vous les retrouverez. Impossible d'y échapper.

Quand les journaux quotidiens, magazines, livres, télés et radios appartiennent à un quarteron d'industriels, vous appelez ça la démocratie de l'information, vous ? Ce n'est pas vraiment une première, un scoop, cette mainmise patronale sur les médias. Ce qui est nouveau, c'est la concentration : jamais avant en France si peu d'industriels et de financiers contrôlaient en si petit comité tout ce qui s'imprime, presse quotidienne, magazines, livres.

Et pourquoi tous ces beaux messieurs si riches mettent-ils de l'argent dans les journaux ? Pour le profit ? Bien sûr, ce ne sont pas des philanthropes. Avoir la main sur cette parcelle de pouvoir médiatique, la presse, qui, naguère, était encore le gage de pluralisme d'opinions, de la réflexion et du débat dans une démocratie non encore subordonnée au marché.

Photo de familles

Les principaux propriétaires de la presse, des magazines et des livres, les voilà.

Serge Dassault (Avions Dassault, Jet Falcon et communications militaires) Le Figaro, Le Figaro Magazine, Le Figaro Madame, L'Indicateur Bertrand, Propriétés de France.
Le courrier de L'Ouest, Le Maine Libre, Presse Océan, L'Eclair.
Le Progrès (Lyon), Le Progrès-LaTribune (St-Etienne), Le Dauphiné libéré, Le Bien Public.
La Voix du Nord, Nord-Eclair.
L'Express, L'Expansion, Lire, L'Entreprise, La Vie financière, Mieux vivre votre argent.
Côté maison.
L'Etudiant, Transfac, Lycée Mag.
TV Magazine, Versin Fémina, Paris Turf, Week End.
Dassault détient 40% du quotidien belge le Soir, 49% de TV Nantes Atlantique, Télévision Lyon Métropole. Et... le Football Club de Nantes.

Arnaud Lagardère (EADS, armements et missiles européens)
Editions : Hachette, Hatier, Didier, Larousse, Dalloz, Armand Colin, Dunod, JC Lattès, Calman-Levy, Fayard, Stock, Grasset, Disney-Hachette, Le Masque, Anaya, Marabout, etc. (l'autre partie des éditions, Editis, a été vendue à un comparse Ernest Antoine Seillière de Wendel...)
Magazines et quotidiens : Paris-Match, Elle, Le Journal du Dimanche, Parents, auto Moto, Photo, Pariscope, Première, France Dimanche, Le Journal de Mickey, Télé 7 jours.
Quotidiens : Nice Matin, La Provence.
Distribution : opérateur principale des NMPP, Relay, AQelia, NewsLink, AMP,SGEL, Curtis, Naville, etc.
Multimédia : CanalSatellite, MCM, Europe 1, RFM, Routard.com, Canal J

Lagardère et Dassault-Socpresse ont en commun une maison d'édition de journaux "gratuits" qui édite Marseille Plus, Lyon Plus et bientôt Paris Plus.

En finir avec la Résistance ?

La presse, après la chute de la dictature nazie et de l'occupation en France, était synonyme de Résistance, et de liberté. Le premier acte de résistance a été d'abord de publier clandestinement une feuille, puis un journal. La Libération fut le printemps de la presse, des dizaines de journaux, "libérés" témoignaient de la soif de débats, de confrontations, d'enthousiasme démocratique.

Et l'Etat qui fut mis en place sur les ruines du régime de Pétain encadra cette furia d'expression écrite par des mesures nées au sein du Conseil national de la Résistance. L'une des ordonnances concernait l'interdiction de concentrer la presse entre quelques mains...

Les autres organisaient la production des quotidiens autour d'une idée centrale : les journaux ont le droit de paraître et leur inégalité devant l'argent doit être corrigée par les aides et les moyens qui n'entravent pas leur parution, mais l'encouragent.

Ont été dans cet esprit mis en place :

  • - Une société de distribution, les Nouvelles Messageries de Presse Parisienne, qui voulait casser le monopole d'Hachette, en établissant un système de tarifs qui avantage ouvertement les "petits" titres.
  • - Une coopérative d'achat de papiers de presse.
  • - Un système coopératif d'impression
  • - Une agence de presse, l'Agence France Presse.

Il ne s'agit pas de nostalgie, mais d'état d'esprit. A ce moment historique, la Libération, le marché se retire et s'efface devant les impératifs démocratiques. Aujourd'hui, le dogme du marché, à la mode ultra libérale, commande que l'Etat doit s'effacer devant le chiffre d'affaires, la rentabilité, le profit publicitaire.

Immerger la presse, c'est aussi absurde et contre nature que le faire pour l'hôpital ou la Poste. La dictature du marché nie la fonction même des quotidiens. L'existence d'une information pluraliste suppose une indépendance de ton et une liberté d'expression. Le propriétaire qui commande à l'écrivain, voilà la situation réelle, qui peut sonner le glas du printemps de la Libération.

L'information en uniforme libéral

Les conséquences pratiques de cette concentration sur l'information prennent cette forme : comme deux ou trois groupes possèdent la majeure partie des titres en France, beaucoup de ces journaux vont publier des pages communes. Pas seulement les pages sport ou météo... Comme les propriétaires commandent, ils dicteront leur façon de penser comme en témoigne les déclarations d'intention de Serge Dassault pour les titres de l'ancien empire Hersant.

Nous allons vers une espèce de journal unique. Un comble dans un monde où la concurrence est érigée en onzième commandement !

Les journaux Dassault et Lagardère risquent de devenir de simples outils au service de l'éloge quotidien de ces "grands capitaines" d'industrie, en l'occurrence l'industrie de l'armement. Comme l'Etat a consciemment censuré sa propre intervention dans le domaine des garanties républicaines de publication pluraliste des journaux, le marché porte au sommet du pouvoir éditorial les majors industriels. Que peuvent-ils vouloir comme contenu de journaux, si ce n'est leur propre gloire ?

Le mécanisme à l'oeuvre relègue l'information au rang d'une marchandise considérée par son potentiel de vente. L'information sera subordonnée au message publicitaire, valeur considérée comme cardinale par les industriels. En somme en industrialisant et concentrant la presse, les grandes voix libérales bâtissent un monopole sur l'information en la déclassant, en la rétrogradant en deuxième division, loin derrière la propagande libérale et les impératifs publicitaires.

Les conséquences sociales peuvent être désastreuses : journalistes, ouvriers réalisant de façon pratique les journaux, "tous ces salariés, cadres et employés dont les fonctions reposent sur la qualité de l'information, donc des journaux, risquent d'être tout simplement expulsés des journaux industriels de Dassault et Lagardère. Dans la presse, qualité de l'information, existence des journaux et questions sociales sont gravement menacées.

Il en reste un peu, je vous laisse réagir, je ne sais pas des fois que..., mais j'irais aussi de mon commentaire