[...]Océania, c'est pour toi! fit place à une musique plus légère. Winston alla à la fenêtre, le dos au télécran. C'était une journée encore froide et claire. Quelque part, au loin, une bombe explosa avec un grondement sourd qui se répercuta. Il y avait chaque semaine environ vingt ou trente de ces bombes qui tombaient sur Londres.

Dans la rue, le vent faisait claquer de droite à gauche l'affiche déchirée et le mot ANGSOC apparaissait et disparaissait tout à tour. Angsoc. Les principes sacrés de l'Angsoc. Novlangue, double-pensée, mutabilité du passé. Winston avait l'impression d'errer dans les forêts des profondeurs sous-marines, perdu dans un monde monstrueux dont il était lui-même le monstre. Il était seul. Le passé était mort, le futur inimaginable. Quelle certitude avait-il qu'une seule des créatures humaines actuellement vivantes pensait comme lui ? Et comment savoir si la souveraineté du Parti ne durerait pas éternellement ? Comme une réponse, les trois slogans inscrits sur la façade blanche du ministère de la Vérité lui revinrent à l'esprit.

LA GUERRE C'EST LA PAIX
LA LIBERTE C'EST L'ESCLAVAGE
L'IGNORANCE C'EST LA FORCE

Extrait de 1984, constitué d'un anagramme de 1948, de G.Orwell est visionnaire, ou à tout le moins prédictif. Reste un léger décalage dans le temps, on ne saurait lui en vouloir. Mais la paix, les pleuples, la réalité, la culture, vont encore souffrir.